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Titre : Confiance

Auteur : Victor Hugo Recueil : Les chansons des rues et des bois, 1865

Ami, tu me dis : « Joie extrême ! Donc, ce matin, comblant ton voeu, Rougissante, elle a dit : Je t'aime ! Devant l'aube, cet autre aveu. Ta victoire, tu la dévoiles. On t'aime, ô Léandre, ô Saint-Preux, Et te voilà dans les étoiles, Sans parachute, malheureux ! » Et tu souris. Mais que m'importe ! Ton sourire est un envieux. Sois gai ; moi, ma tristesse est morte. Rire c'est bien, aimer c'est mieux. Tu me croyais plus fort en thème, N'est-ce pas ? tu te figurais Que je te dirais : Elle m'aime, Défions-nous, et buvons frais. Point. J'ai des manières étranges ; On fait mon bonheur, j'y consens ; Je vois là-haut passer des anges Et je me mêle à ces passants. Je suis ingénu comme Homère, Quand cet aveugle aux chants bénis Adorait la mouche éphémère Qui sort des joncs de l'Hypanis. J'ai la foi. Mon esprit facile Dès le premier jour constata Dans la Sologne une Sicile, Une Aréthuse en Rosita. Je ne vois point dans une femme Un filou, par l'ombre enhardi. Je ne crois pas qu'on prenne une âme Comme on vole un maravedi. La supposer fausse, et plâtrée, Non, justes dieux ! je suis épris. Je ne commence point l'entrée Au paradis, par le mépris. Je lui donne un coeur sans lui dire : Rends-moi la monnaie ! - Et je crois À sa pudeur, à mon délire, Au bleu du ciel, aux fleurs des bois. J'entre en des sphères idéales Sans fredonner le vieux pont-neuf De Villon aux piliers des Halles Et de Fronsac à l'Oeil-de-Boeuf. Je m'enivre des harmonies Qui, de l'azur, à chaque pas, M'arrivent, claires, infinies, Joyeuses, et je ne crois pas Que l'amour trompe nos attentes, Qu'un bien-aimé soit un martyr, Et que toutes ces voix chantantes Descendent du ciel pour mentir. Je suis rempli d'une musique ; Je ne sens point, dans mes halliers, La désillusion classique Des vieillards et des écoliers. J'écoute en moi l'hymne suprême De mille instruments triomphaux Qui tous répètent qu'elle m'aime, Et dont pas un ne chante faux. Oui, je t'adore ! oui, tu m'adores ! C'est à ces mots-là que sont dus Tous ces vagues clairons sonores Dans un bruit de songe entendus. Et, dans les grands bois qui m'entourent, Je vois danser, d'un air vainqueur, Les cupidons, gamins qui courent Dans la fanfare du coeur.