Titre : Bon espoir
Auteur : Clément Marot
Va-t'en ailleurs, fausse
Vieille dolente,
Grande ennemie à
Fortune et
Bonheur,
Sans fourvoyer par ta parole lente
Ce pauvre humain hors la voie d'honneur;
Et toi, ami, crois-moi, car guerdonneur
Je te ferai, si craintif ne te sens :
Crois donc
Mercure, emploie tes cinq sens,
Cœur et esprit et fantaisie toute
A composer nouveaux mots et récents
En déchassant crainte, souci et doute.
Car celle-là vers qui tu as entente
De t'adresser est pleine de liqueur
D'humilité, cette vertu patente,
De qui jamais vice ne fut vainqueur.
Et outre plus, c'est la dame de cœur
Mieux excusant les esperits et sens
Des écrivains, tant soient-ils innocents,
Et qui plutôt leurs misères déboute.
Si te supplie, à mon vueil condescends,
En déchassant crainte, souci et doute.
Est-il possible, en vertu excellente
Qu'un corps tout seul puisse être possesseur
De trois beaux dons, de
Juno l'opulente,
Pallas,
Vénus?
Oui : car je suis sûr
Qu'elle a prudence, avoir, beauté, douceur,
Et des vertus encor plus de cinq cents.
Parquoi, ami, si tes dits sont décents,
Tu connaîtras (et de ce ne te doute)
A quel honneur viennent adolescents
En déchassant crainte, souci et doute.
Envoi
Homme craintif, tenant rentes et cens
Des
Muses, crois, si jamais tu descends
Au val de peur, qui hors d'espoir te boute,
Mal t'en ira : pource à moi te consens
En déchassant crainte, souci et doute.