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Titre : L’érable

Auteur : Nérée Beauchemin Recueil : Patrie intime

L’érable au torse dur et fort, Ébrèche le fer qui l’assaille, Et, malgré mainte et mainte entaille, Résiste aux plus grands coups du Nord. L’hiver, dont le cours s’éternise, De givre et de neige a tissé Le linceul de l’arbre glacé. L’érable est mort ! hurle la bise. L’érable est mort ! clame au soleil Le chêne orgueilleux qui s’élance. L’érable prépare en silence Le triomphe de son réveil. Sous le velours âpre des mousses La blessure ancienne a guéri, Et la sève d’un tronc meurtri Éclate en glorieuses pousses. Des profondeurs d’un riche fond, L’arbre pousse ; il semble qu’il veuille Magnifier, de feuille en feuille, Le miracle d’un coeur fécond. Il n’a fallu qu’une heure chaude Pour que soudain, l’on vît fleurir, Sur les bourgeons, lents à s’ouvrir, La pourpre, l’or et l’émeraude. L’érable vit ! chante en son vol Tout le choeur des forêts en fête : L’érable, de la souche au faîte Frémit au chant du rossignol. Contre la bise et l’avalanche, Le roi majestueux des bois A pris, et reprendra cent fois, Sa victorieuse revanche. L’érable symbolise bien La surnaturelle endurance De cette âpre race de France Qui pousse en plein sol canadien : Robuste et féconde nourrice Dont le flanc, tant de fois blessé, Des rudes coups d’un fier passé Porte l’illustre cicatrice.