Titre : Vue de la campagne après une pluie d'été
Auteur : Nicolas Germain Léonard
II est passé,
Daphné, ce ténébteux orage;
Le tonnerre effrayant n'ébranle plus les airs.
Et nous ne voyons plus, sur les flancs du nuage.
En longs sillons de feu, serpenrer les éclairs.
Viens, tu peux sans danger sortir de ton asile :
Regarde autour de toi comme l'air est tranquille !
Qu'attendons-nous encor ? les timides brebis,
Que la crainte assemblait sous un toit de feuillages,
Se dispetsent déjà sur les frais pâturages,
Et de leur laine humide agitent les rubis.
Le berger prit la main de sa jeune compagne,
Qui promenait partout ses regards enchantés : »
Daphné, lui disait-il, vois combien de beautés
Le retour du soleil répand sur la campagne !
Comme déjà le ciel a repris son azur !
Ce vert en est plus doux, le jour en est plus pur. »
Vois-tu, répondit la bergère.
Ce rideau sombre qui s'étend
Sur les monts brillants de lumière ?
Le voilà qui s'avance au bord de cet étang.
Regarde ces forêts dans l'ombre ensevelies...
Voilà déjà l'ombre qui fuit,
Et le soleil qui la poutsuit :
Vois, vois comme elle court à travers les prairies.
DAMON
Vois-tu l'arc éclatant, dont les vives couleurs
S'impriment sur le fond de cet obscur nuage ?
II semble ramener la verdure et les fleurs.
Et descendre au vallon qu'a respecté l'orage.
DAPHNE
Daphné répondit à son tour,
En pressant le berger d'un de ses bras d'albâtre :
Comme sur ces rosiers le papillon folâtre!
Vois le doux zéphyr de retour.
Secouer les gouttes brillantes
Dont la pluie a mouillé le calice des plantes !
Vois jouer dans les airs ces vermisseaux ailés,
Qu'agite le soleil par sa chaleur active ;
Et cet étang voisin... oh ! comme sur sa rive
Des saules d'alentour les rameaux sont perlés !
Comme son cristal pur répète encor l'image
Et des cieux azurés, et du prochain feuillage!
DAMON
Embrasse-moi,
Daphné!... quel sublime tableau!
Comment nous exprimer dans ce torrent de joie,
Dans ces larmes d'amour où notre cceur se noie ?
Que tout ce qui m'entoure est beau !
Depuis l'astre éclatant dont les feux chassent l'ombre.
Jusqu'au germe caché du plus faible arbrisseau.
Tout présente à mes yeux des merveilles sans nombre.
DAPHNE
J'admire aussi,
Damon, les rayons d'un beau jour;
J'aime à voir un soir pur, une brillante aurore :
Mais le charme de ton amour
Ajoute à ces tableaux un nouveau charme encore.