Titre : Désespoir
Auteur : Pernette du Guillet
Si c'est Amour, pourquoi m'occit-il donc,
Qui tant aimai, et haïr ne sus onc ?
Et s'il m'occit, pourquoi plus outre vis ?
Et si ne vis, pourquoi sont mes devis
De désespoir et de plaints tous confus ?
Meilleur m'était, soudain que né je fus,
De mourir tôt que de tant vivre, même
Que mortel suis ennemi de moi-même :
Et ne puis, las, et ne puis vouloir bien,
Ne voulant celle, en qui gît l'espoir mien :
Et ne puis rien, fors ce que veut la dame,
De qui suis serf de coeur, de corps, et d'âme.
Être ne peut mon mal tant lamenté,
Que de plus grand ne soye tourmenté :
Et ne pourrais montrer si grand'douleur,
Qu'encor plus grand ne celât mon malheur.
Las ! je ne suis prisonnier, ni délivre :
Et ne me tient en espoir, ni délivre
Mon bien servir, qui de mort prend envie.