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Les poésies les plus envoûtantes vous attendent...

Ne manquez plus jamais d'inspiration avec les poésies originales. Partagez l'émotion et la beauté des vers avec ceux qui vous entourent.

Poésies+7 000

Alain Bosquet

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@alainBosquet

Aimer Je t'aime, et avec ça l'urine et les menstrues qui font ton corps sublime et détesté. Tu m'aimes, et avec ça mes dents pourries, mon sperme jaune et ma salive où flotte une odeur d'excrément. Je t'aime, et avec ça tu n'as jamais compris comment je refaisais, à ma folle mesure, l'univers répugnant. Aimes-tu cette verge ou cet esprit : la seule goutte que tu n'oses ni essuyer ni boire ? Intolérable amour qui a besoin, pour l'interrompre, d'un poème comme un bout de jambon avant que le coït ne recommence ! J'aime, et c'est toi, et c'est nous que j'aime dans ma peur de me donner. Tu aimes, dans notre coucherie, l'étreinte de la mort.

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Alain Bosquet

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@alainBosquet

Altruisme Moi je n'existe pas : c'est le peuple qui compte, et l'usine trop froide, et le pain trop salé, le métro dans le crâne et la lune moqueuse comme une pomme jaune où dort la pourriture. Moi je n'existe pas : je traduis la terreur de la main qui se tend sans trouver d'autre main, de l'oeil qui voudrait voir un œil venir à lui, du mot perdu parce qu'un mot soudain lui manque. Moi je n'existe pas : j'évoque la justice, le platane amical, la rosée qui est tendre, le travail devenant une fête au soleil. Moi je n'existe pas : si mon absence émeut quelques-uns d'entre vous, c'est que je vais revivre, outil de chair dont vous ferez un bon usage.

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Alain Bosquet

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Anniversaire Est-ce l'anniversaire de mon platane favori ou de la rosée rousse qui par un jour d'automne est venue se poser devant mes lèvres ? Là où je suis, immatériel, frivole, je sais que je dois rendre hommage à ces événements, qui m'apportèrent le frisson. Est-ce l'anniversaire de mon platane favori ou de la rosée rousse qui par un jour d'automne est venue se poser devant mes lèvres ? Là où je suis, immatériel, frivole, je sais que je dois rendre hommage à ces événements, qui m'apportèrent le frisson. Délétère, défunt, je ne peux plus écrire de poème, bien que mille syllabes s'agitent, autour de moi dans la douceur. Est-ce l'anniversaire d'une femme jadis rencontrée entre deux horizons, celui qui fuit et celui qui accourt : sa nuque était agréable aux mésanges, ses yeux n'avaient pas peur des lunes froides ? Epars, dissous, je ne peux évoquer ni la tristesse ni la joie, mais à proximité, que de remous, que de chuchotements suaves qui soudain effarouchent les brumes !

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Alain Bosquet

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Autocritique Je ne prends pas la peine de m'aimer. Je passe à travers cette vie comme un simple touriste que l'on oblige à visiter un monument sans intérêt : usine vide, hôtel des postes, stade municipal. Je m'observe de loin - exercice futile, orgueil démesuré ? - en m'étonnant parfois de mon angoisse plate ou de ma peur qui met des rides sur les mots. Déçu, je ne vais pas jusqu'à me mépriser : ce serait excessif. Pourtant, je m'interroge sur ce corps qui a l'air de chercher son squelette, cet esprit sans substance où le brouillard est lourd comme un cadavre de taureau, et ces poèmes qu'un autre aurait écrits avec plus de ferveur.

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Alain Bosquet

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Autre portrait d'une amoureuse L'amour pour elle est un naufrage où elle sauve tour à tour son amant, son père mort très jeune et beau comme les dieux, ses trois fils qu'elle accuse de goûts particuliers. Lorsqu'elle coule à pic, requin femelle au ventre ouvert sur les écumes, elle se change peu à peu en île blonde, en caravelle, en récif de chair froide. Alors revient le temps de l'abordage, et tous ses hommes vont au combat pour ses lèvres, ses seins, sa nuque, ses vertèbres meurtries. Si la luxure est folle, c'est que par la pensée elle noie tour à tour, dans la marée sans fin de ses peaux qui se fendent, son amant sans visage, et son père si digne sur ses photos, et ses trois fils dénaturés.

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Alain Bosquet

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Aux petites heures L'asphalte est mou. Un taxi rampe en soupirant. La ville bout dans ses crachats. Sur le trottoir une prostituée dépèce un vieux cadavre : si c'était elle-même ? On ne s'arrête plus au feu rouge : la rue mène droit au suicide. Dans le rétroviseur on découvre un rictus qui dit l'horreur de soi. Tous les pneus sont crevés Le capot cède sous le poids de quelle angoisse ? Les gratte-ciel sentent l'alcool trois fois vomi. Pour un pourboire on peut écraser un passant car aucun d'eux n'ose porter son vrai visage dans cette nuit qui tousse. Au matin, le chauffeur essuie sur la banquette - un seul kleenex suffit -une tache d'espoir, de sang brun et de sperme.

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Alain Bosquet

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Beau néant Je trouve le néant très confortable : j'éprouve le bien-être entre ses murs qui vagabondent, ses toits qui s'ouvrent pour inviter l'étoile à me rendre visite, et ses fontaines sans eau et sans musique. Je suis heureux de n'avoir plus le souci du bonheur. Un chêne vient à ma rencontre : « Vous serez moi, je serai vous. » Une cigogne ajoute : « Vous me feriez plaisir en volant à ma place. » Exister ne m'est pas nécessaire. Je n'ai ni forme ni prénom. Je suis pierre le soir et plante le matin. Ce qui subsiste de ma raison ne peut plus s'insurger : je ne suis pas définissable. Le néant est si riche :

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Alain Bosquet

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Cafard J'ai le cafard. Le monde est moche. S'il voulait me dépanner, Jésus, sans me faire d'histoires, descendrait de sa croix. Je tourne autour de lui, sacré vieux pote : on se comprend à demi-mot. Quel autobus voudrait-il prendre ? A Montparnasse on s'ennuie moins qu'ailleurs. Il a vieilli, je trouve. On se tape un pastis, puis un autre ; il est fier de ses stigmates : pourquoi pas... Je l'interroge sur la mort et les trucs qui surviennent après. On change de bistrot, on reprend un whisky. Il parle politique ; échapper à mon temps serait plus rigolo. Au bout d'une heure bu deux, je le recloue sur sa planche pourrie. Jésus et moi, en fin de compte, on n'a rien à se dire.

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Alain Bosquet

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Chair Viens ! je te fais l'amour comme on se crucifie : un seul clou pour unir ta chair à ma chair molle, une seule potence où hisser nos squelettes, le tien blotti en forme d'œuf ; le mien, serpent qui rêve de s'empoisonner. Je sors de toi, je rentre en toi : je suis le prêtre qui regagne sa vieille église après deux nuits au fond d'un bouge et, découvrant son dieu assassiné, le prend pour un clochard. Car toute étreinte est agonie, et tout désir dégoût de soi. C'est sous ta peau que l'univers devient un sépulcre amical. Exhumons-nous l'un l'autre, ô tendres funérailles ! J'accepte que ton corps soit mon doux paysage, et ton sexe béant mon enfer favori.

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Alain Bosquet

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Chantage C'est toujours le vieux truc : le poète voudrait dans sa jeunesse bousculer les gens, le monde et tout ce qui restreint, selon lui, son génie. C'est toujours le vieux truc : quand il devient adulte, le poète se dit que lui seul est capable d'aimer le peuple et de lui rendre le bonheur en le forçant à lire un à un ses poèmes. C'est toujours le vieux truc : on l'admire trop peu, on ne l'écoute pas ; alors, puisqu'on le boude, il se fera ésotérique en écrivant pour la postérité. C'est toujours le vieux truc : il parle de la mort, se croit compris des fleuves, des crapauds ahuris, des comètes lointaines. C'est toujours le vieux truc : son chant n'est que chantage.

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Alain Bosquet

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Cimetière La bière, le cercueil, le corbillard, la tombe, les fleurs, la rhétorique et les condoléances : on m'a tout infligé. A ma façon, j'essaie de dresser un obstacle au néant, à l'oubli, aux complots de mon siècle. Et je veux qu'un poème soit digne ce matin de recevoir le corps de ma mère. Écartez ces colporteurs de bibles et de mélancolies ! Je sais qu'entre mes mots sa demeure est durable : il y fait un jardin aux musiques de soie ; il y fait un azur où les visages rajeunissent. Dans mon verbe le cimetière est invisible, et l'on revit son existence plusieurs fois selon ses vœux : j'y invente sans cesse une autre éternité.

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Alain Bosquet

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Cine Porno Dans les cinés porno de Sankt-Pauli, on boit une bière trop chaude, et sur les trois écrans superposés, verre à la main, on analyse tour à tour les vertus infinies de l'orgasme : deux lesbiennes se font, au niveau du vagin, une caresse blonde ; un nègre très doué sodomise une enfant, douce leçon de choses ; des hippies eurasiens se triturent l'anus avec des pâmoisons presque sentimentales. Alors, apothéose ! une mégère urine dans l'œil reconnaissant d'un vieillard affolé. Ce spectacle confirme - est-il besoin de preuves ? le retour outre-Rhin de la démocratie, tandis que le racisme est mort : on vous le jure.

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Alain Bosquet

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Colère Toute la vie on a mangé le pain d'urine et à chaque repas on a bu les insultes du vieux patron. Toute la vie on a plaidé pour un coin de soleil sous les crachats du sort, Toute la vie, comme une bête, on a tondu son âme osseuse : et pas de laine sur le dos ! Toute la vie on a lavé les chiens, la banque, les orgueils en plastique. À cinquante ans, fini : on sait que la raison est la pire salope. On vole un revolver, on tire dans le tas : fabricants, boulangers, infirmières, touristes, puis on abat aussi sa femme et ses enfants car si toute la vie on a rampé sous soi, par peur on se choisit une mort collective.

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Alain Bosquet

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Comme un mystère L'enfant parle au brouillard : et si c'était un rite ? Les amoureux disent pardon au tournesol : et si c'était par déférence pour les dieux ? Le village a, ce soir, le goût de la cannelle : et si c'était pour correspondre à sa légende ? Le voyageur qui lèche un cou de femme rousse, constate avec effroi qu'elle est un bloc de sel : et si c'était pour ressembler aux vieilles nymphes disparues sous la mer ? Le poète déchire son livre favori, sa cantate et sa prose : et si c'était pour respecter une terreur devenue douce ? Le pommier, cueillant ses pommes, part en exil : et si c'était pour honorer un sentiment de grâce et de profond mystère ?

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Alain Bosquet

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Comprendre On a souffert. On s'est surpris à trop aimer. On a rendu, mais on ne sait à qui, les coups du sort. On a jeté parmi les linges sales un front très pur, et faisait-il partie d'un corps ? On a tué son ombre : elle est ressuscitée la nuit, dans le sommeil, plus lourde. On a menti pour faire mal à la musique. On a rouvert la blessure du doute. On a parlé aux chiens qui ne répondent pas, aux arbres qui déçoivent, aux murailles de fer. On a feint d'être l'autre pour se comprendre à deux, ou pour mieux se méprendre sur le sens du hasard. On a réduit l'espace à celui de la chair. On a gonflé le temps comme un ballon qui crève. On a eu peur de soi.

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Alain Bosquet

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Cri En moi tout est tragique ; alors, vous permettez que je sois ce navire allant d'une île à l'autre et déchargeant des astres inconnus ? En moi tout est tragique ; alors, soyez compréhensifs : ce soir je suis un vieux platane, et les enfants assis autour de moi me racontent leurs rêves. En moi tout est tragique ; alors, ces quatre meubles, êtes-vous bien d'accord ? me servent de famille : une table, une chaise et deux lits sans ressorts. En moi tout est tragique ; alors, j'ouvre une page, vous ne m'en voudrez pas ? et deviens un poème. En moi tout est tragique ; alors, à votre tour, choisissez-moi n'importe quel desùn de rouille, d'objet brisé, de plante ou d'insecte anonyme.

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Alain Bosquet

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Dachau trente ans apres Le bel enfant teuton joue à colin-maillard dans l'herbe riche et les coquelicots prospères. Le papa est heureux, sous son double menton, tandis que la maman, parfaite Bavaroise, remercie Dieu : l'amour, l'ordre et la prévoyance font un, selon les vœux de sa maternité. Seul le grand-père apporte un élément de doute au sein de ce tableau si enchanteur : le gosse, qui aime tant les frondaisons, les labyrinthes, les murs blanchis, ne devrait pas s'aventurer - son innocence est adorable, il faut l'admettre - jusqu'à la chambre à gaz ou le four crématoire, vu que trente ans après, coups de peinture ou non, ils conservent toujours l'odeur du juif brûlé.

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Alain Bosquet

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Dieu comme partenaire Je vais chez l'avocat pour signer avec Dieu un accord par lequel, la soixantaine atteinte, je m'engage devant témoins : ma secrétaire et mon chef de bureau, à me reconvertir, en toute âme et conscience ; ainsi je serai pur, gentil, bon, généreux. Si Dieu ne triche pas - une table d'écoute enregistre avec soin les moindres de ses mots - notre échange sera très fructueux. Car ma vertu n'est pas gratuite, et je défends mes intérêts avec vigueur. Il est donc entendu que j'ai la jouissance, jusqu'à mon dernier jour, d'un palais sur la mer appartenant à Dieu, catégorie de luxe, peuplé d'esclaves nues, ouvert à tous les doutes.

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Alain Bosquet

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Dieu puni C'est bien son tour : désespéré, Dieu s'agenouille devant moi. L'univers est désobéissant comme un chien parfumé sur les riches pelouses. Accepterais-je un jour de le civiliser à ma façon ? Dieu est naïf s'il feint de croire qu'à sa place un poète aurait l'autorité de rétablir d'aplomb ce monde qui s'abîme dans le malentendu. Pourtant, je lui propose de mettre à son service un arsenal de chants, fabuleux et charmeurs ; peut-être qu'un désordre en chasserait un autre. Et Dieu, couvert de larmes, avouant sa faillite, accepte un compromis : pour un poème ou deux, qu'il ne saurait comprendre, il me promet l'éternité, dont je suis dupe.

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Alain Bosquet

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Du roman au poème Ainsi s'achève le roman. Comme il se doit, le personnage meurt au dernier chapitre. On peut le regretter ; on peut aussi parler de délivrance. Quelques lecteurs ajoutent, soit des virgules, soit des soupirs. L'intrigue était très raisonnable, et les coups de théâtre mesurés. Le livre se referme sur le héros, sur la raison. On peut songer à d'autres aventures. On peut tout oublier. Ainsi commence le poème.

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Alain Bosquet

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En souvenir de Nerval Je suis l'autre et le Même et celui qui invente le bel Absent pour à la fois se remplacer par l'Inconnu et se confondre dans la peur avec le Nul et l'Innommable. Ô jeu pervers ! n'importe qui se veut Abstrait : si le dégoût de notre entendement nous dédouble, celui de notre corps sans corps exerce un tel ravage dans chaque mot ! De quel affreux Non-être l'Être serait-il le refus ? Je suis l'Inachevé qui demande une grâce : un homme aux mille chairs pourrait-il effacer la mienne, cette insulte au gratuit ? Je serais, ne le comprenant pas, l'Inverse, avec un peu de sang que coagule la mémoire, ô veuvage en mal de quelque Veuf !

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Alain Bosquet

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Fabricant de rêves Toute une vie qui soudain se résume à quelque manuscrit ! L'espoir et la rancœur, la gloire et l'amertume que l'on a désappris, pour un chaos où plus rien ne s'agite dans le soupçon fumeux : le peuple y est indifférent comme l'élite, et si quelqu'un s'émeut, ce ne serait qu'un oiseau de passage qui grimpe sur les blés : toute une vie absente, et pas même un orage vers qui l'on puisse aller pour un peu de fraîcheur ou de musique. Une vie de travers qui veut se refuser à celui qui l'explique dans sa gerbe de vers, à la façon des anciennes romances où l'on se croyait beau, en un siècle perdu que le poète pense ressusciter. Nabot, voyou, rêveur et fabricant de rêves ! Toute une vie s'éteint, tandis que dans l'azur un platane s'élève et s'arrache au destin.

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Alain Bosquet

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Fragile éternité Une poire, je pense, qui pourrit à vue d'oeil. Un miroir qui se brise, ou dirait par dégoût. Un plafond qui s'effondre pour ne pas être à moi. Une ruelle qui change de village : est-ce pour m'éviter ? Un corps qui dit : « Il me faudrait un autre maître. » Une âme proposant : « Restons copains mais divorçons. » Un livre qui se sépare de ses pages, bien que je l'aie récrit dix fois. Ô ma fragile éternité !

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Alain Bosquet

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Il faut aimer Il faut aimer, donc j'aime les érables, dans l'aube aux parfums de velours. Il faut aimer, donc j'aime l'impalpable et l'imprévu, sans le secours de la raison. Il faut aimer, donc j'aime ce qui ne saurait exister : l'île dansante et les pierres qu'on sème, avec l'espoir de récolter une âme douce et de guingois. Qu'il faille toujours aimer, je le comprends : l'astre boudeur, le feu, la paille et les colères du torrent. II faut aimer, donc j'aime les carrosses en or, qui ne vont nulle part. Verbe et vertu, je célèbre vos noces ; la rosée, forme d'art : cette sagesse me paraît aimable, dans mon amour universel. L'océan court, je dois être de sable, songe devenu sel. Il faut donc — c'est la loi — que je m'exprime sur les élans de mon vieux cœur : ne sachant pas si l'amour est un crime, il en tremble de peur.

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Alain Bosquet

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Il suffit de m'aimer J'ai dans ma poche — à cause de mes vers ? — un soleil de rechange. J'ai sur le cœur — tantôt bleu, tantôt vert — comme un profil d'archange. J'ai au fond de mes yeux l'autre raison, qui est déraisonnable et tire de la nuit cent horizons ; mille joyaux, du sable. J'ai dans mon livre — amour de l'orthographe — au lieu de mots décents, un okapi, un peuple de girafes, animaux caressants. J'ai sous la main, nourri de fantaisie, un arbre voyageur : quand il repart, les îles sont saisies d'une douce langueur. J'ai devant moi l'univers transformé, on dirait, en mirage : il suffit de me lire et de m'aimer sans fin, à chaque page.

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Alain Bosquet

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Je veux vivre longtemps Je suis déçu. Est-ce ainsi qu'on se quitte? Je vous offre un toucan, un mimosa, un corail qui s'effrite, un mystère éloquent que traverse au matin une comète ou un astre étranglé. La métaphore et la fable s'apprêtent à vous interpeller. L'univers en devient plus insolite que ce vieux pangolin sur son rocher. Je ne suis pas l'élite, mais un être malin qui vous ressemble un peu : le doute ronge tant de sincérité. Vivons sans réconfort ; je fais un songe : n'avoir jamais été. Or, la Gartempe soudain m'apostrophe : « Tu dois me célébrer. » Je l'oblige aussitôt ; le philosophe, d'un poème feutré, retrouve enfin sa pente naturelle pour imiter Péguy. À Beaugency je salue la Pucelle, en lui offrant le gui. J'écris mes Fleurs du Mal si roturières et mes Jaunes Amours. Je crois qu'il m'aimerait, Tristan Corbière, si je faisais le sourd devant ce siècle où tout se décompose. Ô planète, va-t'en ! Je ressuscite un bouvreuil, une rose : je veux vivre longtemps.

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Alain Bosquet

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L'indésirable On m'a chassé de ma planète ; un autre azur veut-il de moi ? On m'a chassé de mon royaume : est-il un autre sable, est-il un autre exil ? On m'a chassé de ma maison : ai-je le droit d'emporter mon vieux mur, d'emballer quelques briques ? On m'a chassé de mon arbre natal : perdus, mon ombre et mon écorce et mon corps de rechange. On m'a chassé de mon squelette : est-il des formes d'une autre pesanteur, d'une autre dépendance ? On m'a chassé de ma mémoire : aucun oiseau ne récite mes vers, aucun vent n'interprète ma musique allongée sur les douces collines. On m'a chassé de mon poème : un autre auteur, une autre langue, vers à vers, m'ont remplacé.

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Alain Bosquet

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La dignité des objets Et la baignoire, si tu crois qu'à se remplir, qu'à se vider, elle n'a pas sous la blancheur de son émail une existence plus profonde ? Et la lucarne, si tu crois qu'à saluer puis reconduire tous les jours la même étoile, elle n'a pas son astre à elle, clandestin ? Et la moquette, si tu crois qu'en piétinant, qu'en bafouant sa chair tu la prives d'un songe désinvolte et royal ? Et le peigne teigneux dans la cuisine, si tu crois que tu l'empêches de s'inventer la chevelure - tout un fleuve ! - d'une déesse ? Et si tu crois que dans la cour la poubelle n'a pas - car son âme est très propre un nid pour l'oiseau-lyre et la jeune cigogne ?

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Alain Bosquet

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La liberte des mots Je rends sa liberté à chacun de mes mots. Après quelques vacances, d'autres poètes auront à cœur de prendre à leur service les plus robustes et les plus audacieux. Logés, nourris, payés à la semaine, ils feront un effort pour se doter d'un autre sens et d'un nouveau mystère. Mes mots sont libres. Je les salue car je les sais capables d'affoler mille esprits, fussent-ils incrédules. Je les ai bien dressés et leur demande une seule faveur : ne pas perdre leur temps à regretter ce qu'ils furent chez moi, des princes déguisés en domestiques. Ferais-je mieux de mettre à mort le moindre de mes mots ?

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Alain Bosquet

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La mort et le baiser Voulez-vous me prêter un peu de votre vie ? J'aimerais corriger la mienne qui est vieille et que j'ai mal servie. Un crâne plus léger lui donnerait l'espoir; une épaule plus leste, un sentiment d'amour. Voulez-vous me prêter, dans un parc, quelques gestes qui n'ont pas de contours, mais qui font au soleil peu à peu le langage des frissons éperdus ? J'ai trop longtemps ouvert mon cœur à ses chantages pour avoir attendu la mesure profonde ou le tourment propice. Voulez-vous me prêter la main qui est très souple et la mer qui est lisse dans la sérénité ? J'ai trop de fois souffert d'être plusieurs et proche du suicide verbal ; j'ai besoin, je crois bien, d'une fleur qui s'accroche, d'un caillou dans le val. d'une aube qui secoue l'horizon et du cygne qui nargue son miroir. Voulez-vous me prêter, majestueux et digne comme vous, ce pouvoir : confondre enfin la chose et la très simple chose, l'homme et l'être apaisé, l'herbe avec ses bouvreuils et l'herbe qu'on arrose, la mort et le baiser ?

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